L’URSS en 1924, tout le monde savait qu’elle allait se péter la gueule.
L’expérience était ratée. Dès 1921, la collectivisation s’était révélée désastreuse.
Dans les grands sovkhozes, ces fermes d’État gérées comme des usines, les paysans étaient salariés sans indexation sur la production du sovkhoze. C’était l’idéal communiste : à chacun selon ses besoins et non selon ses mérites. Les surplus de production des fermes devaient être réquisitionnés pour permettre de nourrir les villes et favoriser le développement industriel.
Résultat : la production agricole s’était effondrée.
Les famines et la révolte de Kronstadt avaient obligé Lénine à réintroduire la propriété privée dans les campagnes, ce que l’on appelle la NEP, pour nouvelle politique économique.
Avec la NEP, Lénine autorise les fermes à vendre leur surplus au lieu d’être réquisitionnés et accorde un tout petit lopin de terre en propriété à chaque salarié des sovkhozes.
Et tout d’un coup, des millions de potagers sortent de ces minuscules lopins de terre et les surplus reprennent.
Malheureusement, ces libéralités envers les paysans ne s’appliquent pas aux ouvriers et aux usines qui restent collectivisées et désorganisées.
La production agricole augmente fortement alors que l’industrie continue de bafouiller : c’est toute l’économie qui vacille. Les prix agricoles s’effondrent alors que ceux de l’industrie s’envolent et les paysans se mettent à stocker leur production en espérant la vendre plus cher plus tard, ils renoncent à acheter du matériel trop cher…
Cela marchait trop bien : vite il faut tout arrêter.
Nous sommes en 1924, l’expérience communiste est un échec.
Plutôt que de libéraliser la production industrielle, on arrête la NEP : il faut préserver l’idéologie et peu importe que cela entraîne des dizaines de millions de morts.
Et ainsi cet échec survivra comme un zombie jusqu’en 1991 soit 65 ans de plus auxquels il faut encore ajouter 20 ans de post-communisme. Cela fait cher l’expérience ratée.
L’Euro c’est pareil.
Nous sommes en 2017 et l’Euro tel qu’il est construit est aussi foutu que l’était l’URSS de 1924.
Cela ne marche pas, même si fort heureusement cela ne nous a pas coûté jusqu’ici autant de morts que l’expérience communiste.
Mais pour avoir une monnaie commune il faut avoir une zone intégrée, un espace commun.
C’est la crise en Grèce ? Les Grecs devraient affluer en Allemagne pour chercher du travail.
Cela entraînerait une baisse des salaires en Allemagne en même temps qu’un moindre chômage en Grèce et une remontée des salaires de ceux qui restent et ainsi la zone s’équilibrerait et nous n’aurions pas un SMIC allemand deux fois plus élevé qu’en Grèce.
Il y aurait bien sûr encore de nombreuses différences comme il y en a entre les régions françaises.
Mais quand on a vingt ans et qu’on habite Limoges, on n’hésite pas à monter à Paris pour trouver un travail même si c’est un petit déchirement et qu’on n’aime pas fort la vie parisienne.
Sauf que la réalité, c’est qu’avec l’Euro, on bouge beaucoup moins qu’avant.
C’est quand même fort de moutarde.
Mais il n’y a absolument pas eu depuis 2008 de mouvement de population comme il y a pu avoir au XXe siècle, notamment pendant la crise de 1929, des Italiens puis des Espagnols et Portugais vers l’Allemagne, la Suisse et la France (6 millions d’Italiens ont émigrés en France au XXe siècle).
L’Euro, en maquillant les effets de la crise —par exemple qu’il y a une fuite des capitaux de 600 milliards d’Euro de l’Italie et l’Espagne vers l’Allemagne— et en empêchant les effets naturels de correction entre les monnaies est en train de détruire à petit feu nos économies.
Avec l’Euro, on accélère la divergence entre les économies du sud et du nord de l’Europe. On casse l’Europe bien plus qu’on ne la construit.
Avec l’Euro on a fait l’Europe de la consommation, l’Europe des grandes entreprises et des puissants contre celle des petits.
Nous sommes en 2017. L’Euro est un projet mal ficelé qui a déjà fait la preuve de son échec. Va-t-on prendre l’option soviétique et faire survivre une idéologie zombie nous en faisant porter le poids pendant 60 ans ou plus ?
Ou allons-nous accepter de poser sérieusement la question de l’Euro et arrêter d’agiter le chiffon rouge des extrêmes ?
Allons-nous accepter d’envisager sérieusement l’avenir et prendre les mesures nécessaires ?
À votre bonne fortune,